Dépression et potentiel thérapeutique du CBD

femme assise sur un ponton de dos

Dans nos sociétés modernes, les sources de stress sont omniprésentes tout comme les éléments de notre environnement perturbant nos cycles de veilles et de sommeils. Ce mode de vie urbain et technologique nous berce en permanence dans un flux d’éclairage artificiel (écran, lumière bleue, etc.), de stimulus sensoriels et/ou psychiques. Tout ceci aboutissant à un véritable état de surexcitation cognitif provocant de graves troubles de l’endormissement et du sommeil. On parle alors d’un dérèglement du rythme circadien, cycle au cours duquel nous alternons les phases de réveil et de sommeil sur 24h. Outre les effets de notre mode de vie ultra-connecté, il existe également de véritables pathologies du sommeil (aiguës ou chroniques). Elles portent différents noms en fonction du trouble associé (paralysie du sommeil, apnée du sommeil, hypo et hypersomnie, somnambulisme, etc.) et se classent en différentes catégories en fonction de la phase impactée. On différencie ainsi les différents troubles du sommeil dus à :

– Des troubles de la phase d’endormissement, caractérisés par un décalage de plus en plus important de l’heure du coucher et une véritable difficulté à trouver le sommeil, même coupé de tout stimulus.

– Des troubles du sommeil à proprement parler, caractérisés par des réveils fréquents, une agitation du corps et des temps de sommeil profond anormalement faible. On parle également de sommeil léger, car susceptible d’être interrompu très facilement.

– Des troubles de la capacité à se rendormir lors d’un réveil nocturne. Dans ce trouble, alors que le sommeil peut être profond, le cerveau provoque une phase de réveil durant la nuit et il est alors très difficile de se rendormir.

Le point commun de tous ces troubles est une dégradation à la fois de la durée et de la qualité du sommeil, impactant alors la qualité de vie globale à court, mais également à long terme. Sur de courtes périodes, c’est-à-dire en phase aiguë, les insomnies vont essentiellement impacter la faculté de concentration, la coordination des mouvements ainsi que provoquer des états de somnolence tout au long de la phase éveillée. En revanche, lorsque l’insomnie devient chronique, outre les symptômes évoqués précédemment, de véritables risques physiques et psychiques existent. Des études ont en effet pu démontrer des liens entre insomnies chroniques et augmentation des risques de développer des maladies cardiovasculaires, des maladies neurodégénératives ou encore des maladies auto-immunes, etc.

D’un point de vue physiologique, les états d’insomnie découlant du stress généré par nos modes de vie, des différentes épreuves que nous subissons, voir des états pathologiques déjà présents (anxiété, dépression, maladie…) sont corrélés à un dérèglement du système dopaminergique dans le cerveau. Il peut tout autant s’agir d’un déficit de production de cette hormone, qu’une production de manière anarchique à n’importe quelle heure du jour, que d’une baisse de sensibilité de nos cellules nerveuses à cette hormone. D’un point de vue épidémiologique, une enquête de l’Institut National de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), réalisée en 2018 (1), indique que près d’un Français sur deux souffre de troubles du sommeil ponctuel (45% chez les 25-45 ans) et que 17% d’entre eux déclarent avoir une dette chronique de sommeil au cours de la semaine. Dans le cas de l’insomnie à proprement parler, près de 25% des Français la subissent de façon ponctuelle et 9% de manière chronique. Ces différents troubles sont également en augmentation constante depuis quelques années et la tendance ne semble pas s’inverser (2). Ainsi, entre 1995 et 2017, on observe une hausse de 6 points des troubles du sommeil chez les 18-75 ans (2).

Les cannabinoïdes et le CBD, à l’étude depuis la moitié du XIXe siècle, ont pu démontrer différentes propriétés intéressantes. Celles-ci ont pu mettre en évidence des actions du CBD de types anti-inflammatoires, antioxydantes (3), neuroprotectrices (4) et anxiolytiques (5, voir notre article sur le CBD et les cancers pour plus de détails). Le CBD est de plus classé comme une molécule d’usage « sûre » avec peu d’effets secondaires et de nature bénigne par l’OMS. Par ses actions sur le stress et les troubles anxieux (6, 7, 8, 9, 10, Voir notre article sur le CBD et les troubles anxieux pour plus de détails), le CBD pourrait alors être un allié de taille dans la lutte contre les troubles du sommeil et l’amélioration de la qualité de vie des personnes souffrant d’insomnie.

Afin de mieux comprendre les effets des cannabinoïdes et du CBD sur le sommeil, il convient tout d’abord d’étudier le système cannabinoïde endogène. Ce système est composé de deux types de récepteurs, appelés CB-1 et CB-2. Alors que les récepteurs CB1 sont principalement localisés dans le système nerveux central et périphérique, les récepteurs CB2 en sont complètement absents et sont en revanche principalement localisés au niveau des différents organes liés au système immunitaire (11, voir notre article sur le CBD et les maladies neurodégénératives pour plus de détails). Par activation des récepteurs CB1, le cannabidiol va pouvoir agir sur le système nerveux central et ainsi moduler son activité afin de réduire le stress, l’anxiété ainsi que les éventuelles douleurs. Par cette action directe permettant la diminution du stress et de l’anxiété, favorisant la relaxation et la décontraction musculaire ainsi qu’en diminuant l’intensité d’éventuelles douleurs, le CBD va alors aider à l’endormissement (12). Il a d’ailleurs été démontré en 2019 par une équipe de chercheurs, que la prise de CBD (entre 25 et 175mg par jour en fonction des antécédents) a amélioré les phases d’endormissement pour 66,7% des patients présentant des troubles du sommeil (12). Une seconde étude, réalisée en 2017 a quant à elle démontrée des liens probants entre la prise de CBD et l’amélioration des troubles du sommeil (13). Ainsi, cette étude rapporte que la CBD pourrait aider à réguler le cycle circadien des phases de veilles et de sommeils, qu’il augmenterait les phases de sommeil paradoxal, permettrait d’allonger la durée du sommeil profond, limiterait l’apnée du sommeil, favoriserait la qualité du sommeil, réduirait la fréquence des cauchemars et améliorerait l’état de fatigue durant la journée en augmentant la vigilance (13). Néanmoins, il est également à noter que toutes ces améliorations ne sont survenues que sur des groupes de personnes présentant des troubles du sommeil et qu’il semblerait que le CBD ne présente pas ses actions bénéfiques chez des personnes ne souffrant d’aucun trouble du sommeil (14).

En conclusion, bien que la bibliographie soit encore assez maigre sur les liens entre le CBD et le sommeil, les études existantes semblent démontrer une action bénéfique du CBD chez les personnes atteintes par ces troubles. L’effet bénéfique du CBD sur le stress et l’anxiété est quant à lui bien démontré et il est également reconnu que ceux-ci influencent négativement le sommeil. En prenant de plus en compte que le CBD est une molécule sûre, ne présentant que très peu d’effets secondaires et que dans des cas extrêmement rares, son utilisation pour le traitement de ces troubles est une option à considérer. Les bénéfices-risques du CBD comparés aux autres molécules existantes comme les somnifères, qui eux présentent des risques réels (accoutumances, somnolence, étourdissements, nausée, états anxiogènes et dépressifs, etc.), sont clairement en faveur du CBD. Néanmoins, d’autres études doivent encore être menées pour mieux comprendre ces troubles et les modes d’action des cannabinoïdes. En attendant, le CBD peut néanmoins être utilisé sous avis médical uniquement, en plus des traitements prescrits, pour améliorer la vie quotidienne dans sa lutte contre les troubles du sommeil.

Dr Lechat Marc-Marie
Docteur en Biologie Moléculaire et Physiologie Cellulaire du Végétal

Références :

1 – Les Français en manque de sommeil :  https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/142173/document_file/17827_inp00010912.pdf

2 – Le temps de sommeil, la dette de sommeil, la restriction de sommeil et l’insomnie chronique des 18-75 ans : résultats du Baromètre de Santé publique France 2017

3 – Nagarkatti P. et al., 2009. Cannabinoids as novel anti-inflammatory drugs. Future Med Chem 1(7) :1333–49

4 – O’Brien K. 2022. Cannabidiol (CBD) in Cancer Management. Cancers (Basel) Feb ; 14(4) : 885.

5 – American Psychiatric Association, 2013. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.).

6 – Blessing E. M. et al., 2015. Cannabidiol as a Potential Treatment for Anxiety Disorders. Neurotherapeutics 12(4), 825–836.

7 – Zuardi A.W. et al., 1993. Effects of ipsapirone and cannabidiol on human experimental anxiety. Journal of Psychopharmacology 7(1_suppl) : 82-88.

8 – Bergamaschi M.M. et al., 2011. Cannabidiol reduces the anxiety induced by simulated public speaking in treatment-naïve social phobia patients. Neuropsychopharmacology 36(6):1219-26.

9 – Zuardi A.W. et al., 2017. Inverted U-Shaped Dose-Response Curve of the Anxiolytic Effect of Cannabidiol during Public Speaking in Real Life. Front Pharmacol. 11 ; 8 : 259.

10 – Shannon S., 2017. Cannabidiol in the Treatment of Anxiety: A Large Case Series. Präsentiert am 21. April 2017 bei der Psychodelic Science 2017, 19. San Francisco, USA.

11 – Galiegue S. et al., 1995. Expression of central and peripheral cannabinoïd receptors in human immune tissues and leukocyte subpopulations. European Journal of Biochemistry. 232(1) : p. 54-61.

12 – Scott Shannon M.D. et al., 2019. Cannabidiol in anxiety and sleep : A large case series. Perm J 23 : 18-041.

13 – Babson K.A. et al., 2017. Cannabis, cannabinoids, and sleep : a review of the littérature. Curr Psychiatry Rep 19 : 23.

14 – Linares I.M.P. et al., 2018. No acute effects of cannabidiol on the sleep-wake cycle of healty subjects : A rendomized, double-blind, placebo-controller, crossover study. Front Pharmacol 9 : 315.