Dépression et potentiel thérapeutique du CBD

femme assise sur un ponton de dos

La dépression est une maladie qui atteint plus de 3,8% de la population mondiale (1) soit environ 300 millions de personnes, avec un rapport de 5 femmes pour 2 hommes (2). La dépression sévère est la maladie qui est la plus invalidante pour la vie d’une personne (1). Elle est également le facteur majeur de décès par suicide (3). L’ouvrage de référence dans l’étude des maladies psychologiques, le DSM V, définit la dépression comme un état dans lequel le sujet ressent soit une perte d’intérêt et de plaisir, soit une humeur triste, soit les deux. Et ce presque toute la journée, presque tous les jours et pendant une durée continue et minimum de 15 jours.

Pour qu’il y ait dépression, ce premier critère doit être vécu avec au moins 4 autres symptômes, vécus eux aussi presque toute la journée et presque tous les jours pendant 15 jours. La liste de ces autres symptômes associés est : insomnie ou hypersomnie, agitation ou ralentissement psychomoteur, fatigue ou perte d’énergie, pensée de dévalorisation ou de culpabilisation excessive, idées de mort ou des pensées suicidaires, difficulté à se concentrer et à faire des choix, perte ou gain de poids significatif (4). En fonction du handicap que cet état occasionne sur la vie sociale, professionnelle et familiale, on établit des degrés de gravité de dépression. La dépression va de légère à sévère en passant par modéré (4). Rappelons que seul un spécialiste de la santé mentale est en mesure de diagnostiquer une dépression.

Pour soigner ce phénomène complexe qu’est la dépression, il existe de nombreux moyens tant médicamenteux que thérapiques. Les plus efficaces du côté des médicaments sont ceux qui agissent sur l’inhibition de la recapture de la sérotonine et du côté de la thérapie il s’agit les thérapies cognitive et comportementale (5).

Malgré les progrès réalisés et les différentes solutions existantes, il n’existe pas de traitement qui soignerait toute personne (6) et qui n’engendrerait pas d’effet secondaire comme par exemple des troubles du désir sexuel, des troubles du sommeil ou une prise de poids (7). A ces inconvénients, s’ajoute la lenteur de l’action des médicaments ainsi que leurs inefficacités à empêcher des rechutes. Ces difficultés à soigner efficacement cette maladie révèle la complexité à mettre en lumière ses mécanismes sous-jacents.  Néanmoins, certains points sont clairement établis et l’un d’eux concerne le rôle du système endocannabinoïde (8). En effet, plusieurs études ont montré qu’un déficit dans la fonction de ce système a pour conséquence des effets anxieux et dépressifs alors qu’une stimulation de ce système a des propriétés anxiolytiques et antidépressives (9, 10). Aujourd’hui mieux comprendre le système endocannabinoïde est donc une voie dans laquelle de multiples chercheurs se lancent en vue de mieux soigner la dépression (11).

Qu’est-ce que le système endocannabinoïde ? Les recherches sur le THC, un cannabinoïde et la molécule psychoactive de la plante cannabis sativa, à la fin des années 80, ont permis la découverte des récepteurs de cette molécule. Ces récepteurs sont situés à la surface des cellules de notre corps. Ont été découvert le récepteur CB1 (12), localisé principalement dans le système nerveux central et qui interagit avec la molécule de THC, puis plus tard le récepteur CB2 (13) qui se localise principalement à l’extérieur du cerveau à la différence de CB1. Par la suite, les scientifiques se sont intéressés aux molécules présentent dans le corps humain et qui interagissait avec les récepteurs CB1 et CB2. Ces molécules ont ensuite été nommées endocannabinoïdes, même si comme telles, ces molécules n’ont aucun lien avec la plante cannabis sativa. Les études ont ensuite révélé que ces deux récepteurs constituent un système avec tout un autre groupe d’enzymes et de molécules. Ce système maintient une sorte d’équilibre pour certaines fonctions physiologiques, mais aussi des fonctions cognitives et émotionnelles. Ce système étant stimulé par les molécules endocannabinoïdes, il porte leur nom. Le système endocannabinoïde est présent au niveau du système nerveux central (cerveau) mais il a également été détecté au niveau des tissus périphériques comme le système digestif, le foie et le pancréas, le système cardiovasculaire, les poumons, le système reproducteur, la peau, les os et les muscles (14).  Ce système peut être stimulé par des composants du cannabis et notamment par le CBD, qui extrait de la plante ne provoque aucune dépendance chez l’homme (15). Nous allons maintenant évoquer la manière dont le CBD interagit sur la dépression en agissant sur de multiples récepteurs (16).

Le CBD agit sur plusieurs cibles clefs pour la dépression :

  • Le CBD agit sur le système endocannabinoïde (17). Plusieurs études ont montré le rôle majeur du récepteur CB1 dans son rapport causal à la dépression. Soit son activation améliore l’état de la personne dépressive soit sa baisse d’activité augmente les symptômes dépressifs (18). Le CBD agit sur le récepteur CB1 mais aussi sur le récepteur CB2. Le premier rôle découvert de CB2 est son lien avec l’activation de la douleur, cependant de plus en plus d’études montrent son rôle dans la dépression (19).
  • Le CBD agit également directement sur le récepteur 5-HT1A, libérant ainsi de la sérotonine dans le cerveau (20). La sérotonine est la molécule sur laquelle la meilleure classe d’antidépresseurs agit en la maintenant à un taux élevé. Par cette activation-là, le CBD a également une action thérapeutique sur la dépression.
  • Un lien à également été découvert entre la réduction de la taille de l’hippocampe (siège des émotions) et la dépression. Une autre classe d’antidépresseurs agit contre la dépression en stimulant la régénération cellulaire de l’hippocampe. Une étude de 2018 montre l’action du CBD sur la régénération cellulaire de l’hippocampe (21).
  • Enfin, des scientifiques brésiliens ont montré comment le CBD agissait rapidement contre la dépression en activant des zones du cortex préfrontal. Une dose unique de CBD chez des rats atteints de dépression s’avère très efficace, éliminant les symptômes le jour-même et maintenant ses effets bénéfiques pendant une semaine(22).

Les effets du CBD sur la dépression sont clairement établis, notamment dans sa capacité d’activation du système endocannabinoïde. La recherche est même prometteuse tant par son action sur autant de récepteurs qui sont en lien avec la dépression que par ses avantages précieux comparés aux antidépresseurs classiques : rapidité d’action, absence d’effet secondaire et de dépendance. Il faut toutefois souligner le manque d’étude de qualité sur le sujet du rôle du CBD contre la dépression. Souvent le nombre de patients est trop faible, les conclusions sur l’homme à partir d’études animales sont hâtives et le manque de comparaison rigoureuse avec les antidépresseurs fait également défaut (23). En attendant le CBD peut néanmoins être utilisé, sous avis médical uniquement et en plus des traitements prescrits, pour améliorer la vie quotidienne dans sa lutte contre la dépression.

Dr Lechat Marc-Marie

Docteur en Biologie Moléculaire et Physiologie Cellulaire du Végétal

Références :

1 – World Health Organization, 2022 : Depression and Other Common Mental Disorders: Global Health Estimates. Available online :  https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/254610/WHO-MSD-MER-2017.2-eng.pdf [Ref list]

2 – Young M.A. et al., 1990. Sex differences in the lifetime prevalence of depression: Does varying the diagnostic criteria reduce the female/male ratioJ. Affect. Disord. 18:187–192.

3 – James S.L. et al., 2017. Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 354 diseases and injuries for 195 countries and territories, 1990–2017: A systematic analysis for the Global Burden of Disease Study. Lancet 392:1789–1858.

4 – American Psychiatric Association, 2013. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.).

5 – Luo Y. et al., 2020. National prescription patterns of antidepressants in the treatment of adults with major depression in the US between 1996 and 2015: A population representative survey based analysis. Front. Psychiatry 11:35.

6 – Montgomery S.A. et al., 2014. A randomised, double-blind study in adults with major depressive disorder with an inadequate response to a single course of selective serotonin reuptake inhibitor or serotonin–noradrenaline reuptake inhibitor treatment switched to vortioxetine or agomelatine. Hum. Psychopharmacol. Clin. Exp29:470–482.

7 – Cipriani A. et al., 2018. Comparative efficacy and acceptability of 21 antidepressant drugs for the acute treatment of adults with major depressive disorder: A systematic review and network meta-analysis. Focus 16:420–429.

8 – Hill M.N. et al., 2005. Is there a role for the endocannabinoid system in the etiology and treatment of melancholic depression? Behav. Pharmacol. 16:333–352.

9 – Sarris J. et al., 2020. Medicinal cannabis for psychiatric disorders: A clinically-focused systematic review. BMC Psychiatry 20:24.

10 – Sales A.J. et al., 2018. Antidepressant-like effect induced by Cannabidiol is dependent on brain serotonin levels. Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry 86:255-261.

11 – Hill M.N. et al., 2009. The therapeutic potential of the endocannabinoid system for the development of a novel class of antidepressants. Trends Pharmacol. Sci30:484–493.

12 – Devane W.A. et al., 1988. Determination and characterization of a cannabinoid receptor in rat brain. Mol. Pharmacol. 34, 605–613.

13 – Munro S. et al., 1993. Molecular characterization of a peripheral receptor for cannabinoids. Nature 365(6441):61-5.

14 – Sberna A.-L et al., 2016. Système endocannabinoïde : effets sur le métabolisme glucidique, mais aussi lipidique. Médecine Des Maladies Métaboliques 10, 407–414.

15 – Hosein Farzaei M. et al., 2016. A systematic review of plant-derived natural compounds for anxiety disorders. Curr. Top. Med. Chem. 16:1924–1942.

16 –  Ibeas Bih C. et al., 2015. Molecular targets of cannabidiol in neurological disorders. Neurotherapeutics 12:699–730.

17 – Laprairie R.B. et al., 2015. Cannabidiol is a negative allosteric modulator of the cannabinoid CB1 receptor. Br. J. Pharmacol. 172:4790–4805.

18 – Shen C.J. et al., 2019. Cannabinoid CB1 receptors in the amygdalar cholecystokinin glutamatergic afferents to nucleus accumbens modulate depressive-like behavior. Nat. Med. 25:337–349.

19 – Ishiguro H. et al., 2018. Cannabinoid CB2 receptor gene and environmental interaction in the development of psychiatric disorders. Molecules 23:1836.

20 – Linge R. et al., 2016. Cannabidiol induces rapid-acting antidepressant-like effects and enhances cortical 5-HT/glutamate neurotransmission: role of 5-HT1A receptors. Neuropharmacology 103:16-26.

21 – Beale C. et al., 2018. Prolonged Cannabidiol Treatment Effects on Hippocampal Subfield Volumes in Current Cannabis Users. Cannabis Cannabinoid Res. 1;3(1):94-107.

22 – Sales A.J. et al., 2019. Cannabidiol Induces Rapid and Sustained Antidepressant-Like Effects Through Increased BDNF Signaling and Synaptogenesis in the Prefrontal Cortex. Mol. Neurobiol. 561070–1081.

23 – Bright A. et al., 2022. Modulation of Endocannabinoid System Components in Depression: Pre-Clinical and Clinical Evidence.” International journal of molecular sciences vol. 23,10 5526.