Cannabinoïdes et cannabidiol : des vertus pour les malades du cancer et contre l’origine de la maladie.

En 2018, c’est près de 18 millions de nouveaux cas de cancer qui ont été enregistrés dans le monde, dont plus de 380 000 en France et ces chiffres sont en constante augmentation (1). Devant une incidence aussi forte et son accroissement annuel, les scientifiques redoublent d’efforts afin de comprendre, d’endiguer et de soigner ces maladies par des traitements novateurs. Néanmoins, ces médications, en plus de la question de leur efficacité, sont très couramment associées à bon nombre d’effets secondaires indésirables et handicapants au quotidien. Depuis quelques années, les chercheurs de différents pays ont en outre décidé d’étudier l’action des cannabinoïdes et du cannabidiol (CBD) dans le cadre de la prévention, des soins et de l’apaisement des effets secondaires liés aux traitements de ces maladies.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’identification des principaux cannabinoïdes, dont le tétrahydrocannabinol (THC) et le CBD, a été un tournant majeur dans l’utilisation thérapeutique du cannabis. D’importantes recherches ont alors été menées portant sur l’évaluation des effets pharmacologiques du cannabis, notamment sur les cancers (2). Actuellement, le CBD et d’autres cannabinoïdes sont d’ores et déjà utilisés de manière internationale avec une certaine efficacité dans le soin de certains types de cancer. Effectivement, des études montrent des effets bénéfiques dans les cancers de la prostate, du pancréas, de l’intestin, du cerveau (3), ou encore dans le cancer du sang (4), du col de l’utérus (5), le myélome (6) et le cancer du sein (7). Il a ainsi pu être démontré que le CBD peut contribuer à la thérapie contre le cancer de plusieurs manières. En premier lieu, il peut être administré afin de soulager les effets secondaires de certaines chimiothérapies et radiothérapies : nausée, vomissement, épilepsie… (8). De manière concomitante, il peut également agir de manière directe contre le développement des cellules cancéreuses (9). Et enfin, ces dernières années, les chercheurs ont également pu démontrer une action indirecte et synergique du CBD, avec les autres traitements (10).

Dans le cadre du soulagement des effets secondaires liés aux traitements contre le cancer, des recherches précliniques et cliniques suggèrent des preuves d’efficacité du CBD pris seul ou en association avec du THC. Leurs effets se situent au niveau du soulagement de la douleur, de l’anxiété, de la dépression associées au cancer, des problèmes de sommeil, des nausées, des vomissements et des inflammations buccales (8). Des études suggèrent également que le CBD peut protéger contre les dommages neuronaux et organiques liés aux traitements chimiothérapiques ou radiologiques. Le CBD est en ce sens très prometteur dans le cadre d’une approche intégrative de la gestion du cancer (8).

Par son action directe contre le développement des cellules cancéreuses, le CBD agit par différents mécanismes afin de réduire la multiplication des cellules cancéreuses. Les chercheurs ont ainsi réussi à mettre en lumière trois mécanismes distincts provoquant une action anticancéreuse directe.

Le premier de ces mécanismes a été observé dans le cancer du sein, il consiste à déclencher l’apoptose des cellules cancéreuses, c’est-à-dire leur autodestruction. De manière concomitante, le CBD est également capable d’inhiber la protéine ld-1, jouant un rôle majeur dans la biologie des cellules tumorales, et qui serait notamment responsable de l’agressivité de ces cellules cancéreuses dans le cancer du sein. Cette conclusion a alors été faite par des chercheurs californiens : « le CBD est la première substance exogène non toxique capable de réduire significativement l’expression Id-1 dans les cellules cancéreuses du sein métastatique et de réduire ainsi l’agressivité tumorale » (11 – Traduction Anglais/Français).

Le second mécanisme anticancéreux du CBD intervient lorsqu’une tumeur s’accroît au-delà d’un ou deux millimètres. Afin de croître davantage, celle-ci va alors avoir besoin d’apports énergétiques supplémentaires véhiculés par des vaisseaux sanguins néoformés irrigant alors la tumeur. Le CBD a été démontré comme capable d’inhiber la formation de ces nouveaux vaisseaux sanguins, appelée angiogenèse, dans certains types de tumeurs (12). La formation des nouveaux vaisseaux étant inhibée, les cellules cancéreuses n’ont dès lors plus assez d’énergie pour se développer et la croissance de la tumeur en est affaiblie.

Enfin, un troisième mécanisme a été mis en évidence. Des chercheurs italiens ont découvert que le CBD combat les cellules cancéreuses, par l’autophagie. L’autophagie est un processus dans lequel les cellules décomposent leurs propres constituants, ce qui peut mener à la mort cellulaire. Autrement dit, le CBD provoque le déclenchement de l’autophagie des cellules cancéreuses, qui alors dépérissent, voire meurent (13).

Outre son action directe, le CBD peut également agir de manière indirecte contre le cancer, notamment par un effet synergique en rendant la chimiothérapie plus efficace. Ainsi, dans le traitement du cancer du sein à triple nécrose, le CBD a amélioré statistiquement l’efficacité d’un médicament chimiothérapeutique, la Doxorubicine (14). La recherche sur les cellules leucémiques suggère en outre que le THC et le CBD en association avec des médicaments contre la leucémie (Cytarabine et Vincristine) permettent une réduction spectaculaire de la dose de médicaments nécessaires tout en leur permettant de demeurer efficaces (15). En 2017, une première étude sur l’association positive de cannabis avec un traitement standard contrôlée par placebo est rédigée (16). Un extrait de cannabis avec THC et CBD a amélioré la survie des patients atteints de récidive d’une tumeur cérébrale. 83 % des patients ayant reçu, en plus de leur traitement, du THC et du CBD vivaient après un an, alors que seuls 53 % survivaient dans le groupe placebo pour la même période. Ceux du premier groupe vivaient en moyenne 550 jours, alors que ceux du groupe placebo vivaient 369 jours (16).

Cependant, les cannabinoïdes comme le CBD ne semblent pas jouer le même rôle selon le lieu du développement de la tumeur, le type de cellule cancéreuse et la concentration utilisée. Même si les résultats de l’action du CBD sont réjouissants et encourageants de par leurs multiples manières d’aider la lutte contre le cancer, il est néanmoins nécessaire de continuer les études pour parvenir à isoler les mécanismes d’action moléculaires, ainsi que pour déterminer les bons dosages et les modes d’administration qui permettront d’accroître au mieux son action anticancéreuse directe et indirecte. En attendant ces résultats, le CBD peut néanmoins être utilisé sous avis médical pour le soulagement des effets secondaires liés aux différents traitements.

Schéma Bilan : Les différentes actions des cannabinoïdes dans la lutte contre le cancer.

Les cannabinoïdes et le CBD en particulier ont démontré leur efficacité afin d’augmenter le soulagement des effets secondaires des traitements liés à la maladie. Ils ont également une action directe sur l’origine de la maladie en réduisant la formation des vaisseaux sanguins irrigant la tumeur, en augmentant l’apoptose et l’autophagie des cellules cancéreuses ainsi qu’en réduisant leur agressivité. De manière indirecte, ils agissent également de manière synergique avec les traitements médicamenteux et en permettant de réduire leur dose.

Dr Lechat Marc-Marie

Docteur en Biologie Moléculaire et Physiologie Cellulaire du Végétal

Références

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  • Sharafi G.et al.,  REVIEW ARTICLE Open Access Potential Use of Cannabinoids for the Treatment of Pancreatic Cancer. Journal of Pancreatic Cancer Volume 5.1.
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