Cannabidiol et diabète, un allié encore méconnu

femme assise sur un ponton de dos

Le diabète est aujourd’hui considéré comme une véritable pandémie, touchant en 2019 près de 10% de la population mondiale, soit environ 1 adulte sur 11 (1). Alors qu’en 2010, le diabète touchait 285 millions de personnes, en 2019, ce chiffre est passé à 463 millions d’individus, représentant une augmentation de presque 63% en moins de 10 ans (1). Le diabète est donc une maladie très répandue, en pleine expansion et de plus en plus fréquente. Cette pathologie est caractérisée par un excès chronique de glucose dans le sang entrainant alors différentes complications. On distingue néanmoins deux types de diabète, le type 1 (10% des cas) et le type 2 (90% des cas) (2).

Le diabète de type 1 peut se développer à tout âge mais à une prévalence plus forte chez les enfants et les adultes de moins de 40 ans. Cette pathologie est d’origine auto-immune, nos cellules immunitaires, ici les lymphocytes T, viennent attaquer et détruire les cellules productrices d’insuline (cellules bêta) dans le pancréas. L’insuline est une hormone hypoglycémiante, c’est-à-dire qu’elle permet de faire baisser le taux de glucose sanguin en lui permettant d’entrer et d’être utilisé par les cellules. Avec le type 1, le pancréas de la personne malade ne produit donc plus d’insuline empêchant alors le glucose d’être utilisé comme source d’énergie par les cellules. Le patient est alors obligé de s’injecter de l’insuline de manière régulière, une d’action lente une fois par jour et d’autres d’action rapide après chaque repas (3, 4, 5).

Le diabète de type 2, la forme la plus fréquente, peut se développer tout au long de la vie mais sa prévalence augmente avec l’âge. Il s’agit d’une pathologie métabolique liée en grande partie au mode de vie sédentaire et au surpoids. Contrairement au type 1, le type 2 ne résulte pas de la destruction des cellules pancréatiques productrices d’insuline, mais d’une baisse de sensibilité à cette hormone des cellules hépatiques, musculaires et adipeuses. La baisse de sensibilité cellulaire va alors entraîner une surproduction d’insuline par les cellules pancréatiques jusqu’à épuisement et destruction. L’obésité et l’hygiène alimentaire étant les causes principales de survenue et de développement de la maladie, son traitement repose dans un premier temps sur un changement drastique de l’hygiène de vie. Néanmoins, dans certains cas, une insulinothérapie et différents traitements médicamenteux deviennent obligatoires (3, 4, 5).

Quel que soit le type, le diabète engendre de graves problèmes liés en grande partie à l’augmentation du risque de rétrécissement des vaisseaux sanguins. Lorsque le sang n’irrigue plus le corps comme il se doit, cela augmente par conséquent les risques de maladies de cœur, d’accident vasculaire cérébraux, de maladies des reins, ainsi que des problèmes de visions ou encore des atteintes neurologiques. Le diabète nuit également aux capacités de guérison naturelles du corps entrainant subséquemment des plaies qui ne guérissent pas, de même que des problèmes aux extrémités (pied et mains essentiellement).

Depuis quelques années, de plus en plus de chercheurs s’intéressent aux différentes propriétés des phytocanabinoïdes et particulièrement aux propriétés médicinales du CBD. Dans le cadre du diabète et grâce aux avancées dans la compréhension de cette pathologie, plusieurs actions de cette molécule peuvent s’avérer intéressantes, que ce soit en termes de prévention de la maladie, dans le traitement de celle-ci ou encore dans le soulagement des différents effets secondaires.

Dans le cadre de la prévention de la survenue du diabète, une étude réalisée en 2006 sur le modèle murin démontre que le CBD pourrait être utilisé en traitement préventif de cette pathologie. Dans cette étude, des souris recevant des injections quotidiennes de 5mg de CBD étaient comparées à un groupe témoin. Alors que dans le groupe contrôle 86% des souris ont développé un diabète, la prévalence du groupe traité au CBD n’était plus que de 30% (6). Cette étude rapporte également que dans le groupe ayant reçu du CBD, les taux de cytokines pro-inflammatoire (IFN-gamma et TNF-alpha) ainsi que les cytokines associées aux lymphocytes T étaient nettement inférieures au groupe témoin. Ces résultats indiquent, que sur ce modèle, le CBD peut inhiber et retarder la destruction des cellules productrices d’insuline, entrainant une diminution de l’incidence du diabète (6).

Bien que le diabète de type 1 soit d’origine auto-immune et que les lymphocytes T puissent être activés par des molécules pro-inflammatrice, le diabète de type 2 engendre également une inflammation chronique jouant un rôle prépondérant dans l’insulinorésistance. De ce fait, toute molécule aux propriétés anti-inflammatoires peut avoir des effets bénéfiques dans le traitement de cette maladie. Or, le CBD est aujourd’hui considéré comme une molécule à action anti inflammatoire (7). L’action du CBD a d’ailleurs été mis en évidence dans le cadre du diabète de type 1, par la réduction des marqueurs de l’inflammation et la réduction de l’activité des leucocytes dans le pancréas (8). En outre, l’hyperglycémie provoquée par le diabète engendre une surproduction chronique de radicaux libre provoquant un état de stress oxydatif permanant (9). Le CBD, en plus de son action anti-inflammatoire possède également des propriétés antioxydantes. La prise de CBD pourrait alors réduire la production de radicaux libres et diminuer l’état de stress oxydatif. Ces conclusions montrent que le CBD pourrait être envisagé en tant que traitement potentiel.

Avec le diabète, un autre organe est soumis à rude épreuve, le foie. En effet, en réponse à la trop forte concentration de glucose dans le sang, celui-ci va utiliser deux mécanismes de stockage différents afin de limiter les dégâts engendrés par les hyperglycémies, la glycogénogenèse et la lipogenèse. Bien que ces mécanismes soient efficaces à court terme, sur de plus longues durées ceux-ci vont provoquer des dépôts de graisse dans les cellules hépatiques et engendrer une stéatose hépatique. Cette pathologie, sous-jacente au diabète, entraîne alors une augmentation des récepteurs du système cannabinoïde endogène (CB1 et CB2) ainsi qu’une production accrue d’endocannabinoïdes. Cette suractivation va alors aggraver la stéatose hépatique déjà présente en permettant une synthèse accrue d’acide gras (10). Le CBD est néanmoins connu comme étant un inhibiteur des récepteurs CB1 et CB2 permettant de réguler l’hyperactivité du système cannabinoïde endogène (11, 12). La prise de CBD pourrait alors être envisagée afin de retarder la survenue et de limiter l’impact de la stéatose hépatique.

Outre les actions spécifiques précédemment citées, le CBD va également pouvoir soulager certains des symptômes retrouvés chez les patients diabétiques. Ainsi, le CBD va être capable d’améliorer la durée et la qualité du sommeil (13), de réduire l’anxiété générée par la peur de la maladie (14), de diminuer les douleurs chroniques (15) ou encore de favoriser la perte de poids, facteur essentiel dans le diabète de type 2 (16, 17).

En conclusion, ces différentes études démontrent que le CBD via ses actions anti-inflammatoires et antioxydantes ainsi que par sa capacité de protection du foie peuvent jouer un rôle non négligeable dans le soulagement des symptômes et l’amélioration de la qualité de vie des personnes diabétiques. D’autres études doivent néanmoins encore être menées pour mieux comprendre cette maladie et les modes d’action des cannabinoïdes. En attendant, le CBD peut cependant être utilisé sous avis médical uniquement, en plus des traitements prescrits, pour améliorer la vie quotidienne des patients et les aider dans leur lutte contre la maladie.

Dr Lechat Marc-Marie

Docteur en Biologie Moléculaire et Physiologie Cellulaire du Végétal

Références 

1 – WHO. Classification of diabetes mellitus 2019.

2 – Baynes H. W. 2015. Classification, Pathophysiology, Diagnosis and Management of Diabetes Mellitus. J Diabetes Metab, 6 : 5.

3 – Kuldeep T. et al., 2018. Recent classification of diabetes mellitus. International Journal of Innovative Science and Technology 3(4), 52-57.

4 – Baz B. et al., 2016. ENDOCRINOLOGY OF PREGNANCY : Gestational diabetes mellitus: definition, aetiological and clinical aspects. Eur J Endocrinol 174(2) : R43-51.

5 – Dirar A. M and Doupis J. 2017.  Gestational diabetes from A to Z. World J Diabetes 15 ; 8(12) : 489-506.

6 – Weiss L. et al., 2006. Cannabidiol lowers incidence of diabetes in non-obese diabetic mice. Autoimmunity 39 (2) : 14351.

7 – Nagarkatti P. et al., 2009. Cannabinoids as novel anti-inflammatory drugs. Future Med Chem   1(7) : 1333–49.

8 – Lehmann C. et al., 2016. Experimental cannabidiol treatment reduces early pancreatic inflammation in type 1 diabetes. Clin Hemorheol Microcirc 64 (4) : 65562.

9 – BERTRY R. Les mécanismes toxiques liés à l’hyperglycémie chronique chez le diabétique de type 2. Limoges 2011.

10 – Purohit V. et al., 2010. Role of cannabinoids in the development of fatty liver (steatosis). AAPS J 12 (2) : 2337.

11 – LAPRAIRIE R. et al., 2015. Cannabidiol is a negative allosteric modulator of the cannabinoid CB1 receptor. British journal of pharmacology 172 (20) : p. 4790-48.

12 – MULLER C. et al., 2018. Cannabinoid Ligands Targeting TRP Channels. Front Mol Neurosci 11 : 48.

13 – Babson K.A. et al., 2017. Cannabis, cannabinoids, and sleep : a review of the littérature. Curr Psychiatry Rep 19 : 23

14 – Shannon S., 2017. Cannabidiol in the Treatment of Anxiety: A Large Case Series. Präsentiert am 21. April 2017 bei der Psychodelic Science 2017, 19. San Francisco, USA.

15 – Campbell G. et al., 2019. Understanding the evidence for medical cannabis and cannabis-based medecines for the treatment of chronic non-cancer pain. European archives of psychiatry and clinical neuroscience 269, 135-144.

16 – Ignatowska-Jankowska B. et al., 2011. Cannabidiol decreases body weight gain in rats : involvement of CB2 receptors. Neurosci Lett 490 (1) : 824.

17 – Farrimond J.A. et al., 2012. Cannabinol and cannabidiol exert opposing effects on rat feeding patterns. Psychopharmacology (Berl) 223 (1) : 11729.