Bénéfices thérapeutiques du cannabidiol (CBD) et maladies neurodégénératives
Au sens large, les maladies neurodégénératives sont des pathologies évolutives, affectant le cerveau, voire le système nerveux dans son ensemble, et aboutissant à la mort des cellules cérébrales (1). Elles se caractérisent par des manifestations cliniques telles que les dysfonctionnements cognitifs, moteurs et/ou comportementaux, pouvant entraîner la mort (2). Les causes précises de ces différentes maladies sont toujours essentiellement inconnues et assez spéculatives (1). Néanmoins, différents facteurs d’augmentation des risques ont cependant pu être identifiés comme des prédispositions génétiques héréditaires ou non (1), un risque accru avec l’augmentation de l’âge, ainsi que l’exposition à des produits chimiques (2) ou des prions (3).
A ce jour, plus de 50 millions de personnes dans le monde souffrent d’une maladie neurodégénérative dont plus de 1 million en France, et avec le vieillissement de la population ces chiffres augmentent avec un doublement prévu d’ici 2030 (4). Parmi les maladies neurodégénératives les plus répandues, nous retrouvons la maladie d’Alzheimer, celle de Parkinson, ou la sclérose en plaques. Les dénominateurs communs à toutes ces maladies et les responsables de la progression de la dégénérescence semblent être liés à des processus de mort cellulaire et inflammatoires (2). En outre, il n’existe à ce jour aucun traitement curatif de ces maladies. Seul des traitements pour ralentir l’évolution de la maladie et traiter les symptômes avec plus ou moins de succès sont disponibles.
Avec l’identification des cannabinoïdes et du CBD au cours du XXe siècle, d’importantes recherches ont été menées sur leurs effets pharmacologiques et notamment leurs impacts sur les maladies neurodégénératives (5). Parmi leurs nombreuses propriétés, les cannabinoïdes ont révélé être de puissants anti-inflammatoires et antioxydants (6), et le CBD en particulier a été suggéré comme étant en plus une molécule à effet neuroprotecteur (7). De par ses effets, le CBD pourrait alors être particulièrement intéressant en tant que molécule de phytothérapie naturelle efficace envers ces pathologies avec des effets secondaires minimes. Des chercheurs de différents pays étudient à l’heure actuelle leurs incidences dans le cadre des soins et de l’apaisement des symptômes liés à ces maladies.
Afin de mieux comprendre les effets des cannabinoïdes et du CBD sur le corps humain, les scientifiques se sont tout d’abord intéressés au système cannabinoïde endogène. Il s’agit d’un système de communication entre nos cellules leur permettant d’échanger des informations à l’aide d’un ensemble de récepteurs et de médiateurs. Il a été démontré comme essentiel au bon fonctionnement de l’organisme du fait du nombre très important de récepteurs, supérieur à n’importe quel autre, et expliquerait les effets généraux et nombreux des applications thérapeutiques des cannabinoïdes (8). Ce système est composé de deux types de récepteurs, appelés CB-1 et CB-2 et de deux neurotransmetteurs principaux, l’anandamide et l’AG-2 (8). Alors que les récepteurs CB1 sont principalement localisés dans le système nerveux central et périphérique, les récepteurs CB2 en sont complètement absents et sont en revanche principalement localisés au niveau des différents organes liés au système immunitaire (9). Le récepteur CB1 semble être impliqué dans les processus cognitifs comme la mémoire, la douleur, la motricité et les émotions (10). CB1 et CB2 ont donc naturellement été la cible des recherches visant à comprendre les effets des cannabinoïdes et du CBD dans le cadre des maladies neurodégénératives principales.
La maladie d’Alzheimer est de loin la maladie neurodégénérative la plus répandue dans le monde et son incidence est étroitement corrélée au vieillissement de la population. Elle est consécutive à la formation et à l’accumulation dans le cerveau de protéines bêta-amyloïdes et tau. Ces accumulations vont alors aboutir au dysfonctionnement des neurones pouvant provoquer leur mort et entraînant l’atrophie de certaines parties du cerveau (11). Elles vont également engendrer une inflammation réduisant l’influx nerveux et donc la bonne communication entre les neurones (12).
Dans le cadre d’une étude in vitro réalisée en 2004, des chercheurs ont réussi à démontrer qu’un traitement au CBD des cellules avant l’ajout des protéines bêta-amyloïde augmentait considérablement la survie cellulaire tout en diminuant la production de molécules oxydantes (ROS, peroxydase) responsable de l’inflammation (13). Ils en ont conclu qu’in vitro sur les cellules PC12 : « Les résultats indiquent que le cannabidiol exerce une combinaison d’effets neuroprotecteurs, antioxydants et anti-apoptotiques contre la toxicité du peptide bêta-amyloïde » (13 – Traduction Anglais-Français).
Après la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson est la seconde maladie neurodégénérative la plus courante. Elle est caractérisée à la fois par des symptômes physiques, tremblement au repos, lenteur, rigidité des mouvements, et des symptômes cognitifs avec des baisses de mémoires, des troubles de l’attention, des troubles anxieux et dépressifs. Cette pathologie est caractérisée par la mort précoce et lente des neurones dopaminergiques de la substance noire compacte entraînant alors une carence en dopamine (14). À l’heure actuelle, seuls des traitements contre les symptômes moteurs existent, sans pour autant avoir d’effet sur les autres symptômes, et ne sont efficaces que 5 à 10 ans.
Dans cette maladie, il existe un mécanisme de compensation par l’anandamide aboutissant à une suractivation du système cannabinoïde endogène afin de normaliser l’épuisement en dopamine (15), le CBD devient donc une molécule d’intérêt majeur afin d’améliorer la production en dopamine. Des études cliniques ont montré que des doses quotidiennes de CBD (150 à 400 mg/jour) en plus des traitements classiques réduisaient drastiquement les symptômes psychotiques, anxieux et dépressifs, sans présenter d’effet secondaire important, tout en améliorant significativement la qualité de vie des patients (16). Ces améliorations se traduisaient entre autres par la réduction des troubles du sommeil, la diminution de cauchemars et un relâchement musculaire (17). Chez ces patients, il a également été rapporté que des doses quotidiennes de 300 mg de CBD amélioraient le bien-être émotionnel et la cognition et que ces effets pourraient être liés aux différentes propriétés anxiolytiques, antidépressives et antipsychotiques du CBD (18).
La sclérose en plaques est une autre maladie neurodégénérative d’origine auto-immune très répandue. Il s’agit d’une maladie touchant préférentiellement les jeunes adultes et plus particulièrement les femmes (19). Elle se caractérise par une inflammation de la gaine de myéline qui entoure et protège les fibres nerveuses du système nerveux central, la moelle épinière et les nerfs optiques, provoquant alors une altération de l’influx nerveux. Les lésions occasionnées entraînent des symptômes aussi bien physiques que mentaux comme une extrême fatigue, une mobilité restreinte, des déficits sensoriels, des douleurs chroniques, des spasmes, la paralysie ainsi qu’un dysfonctionnement cognitif et une déficience visuelle (20).
Bien que peu d’études ont été réalisées sur l’action du CBD, ses propriétés anti-inflammatoires, immunosuppressives et neuroprotectrices en font un candidat très sérieux dans le traitement de cette maladie. Les premières recherches tendent à démontrer que les cannabinoïdes et le CBD en particulier peuvent améliorer la spasticité musculaire et atténuer la neuro-inflammation (21). En outre, le CBD de par son action immunosuppressive ralentit l’activation de cellules immunitaires (Lymphocyte T et B) empêchant la production d’anticorps responsable de la destruction de la gaine de myéline (22) et pouvant donc ralentir l’évolution de la maladie et en atténuer ses symptômes. Enfin, une étude chez la souris a démontré que l’application d’une crème à 1% de CBD a permis une récupération de la paralysie des membres postérieurs, ainsi qu’une réduction de l’infiltration lymphocytaire et la destruction de la gaine de myéline, typique de cette maladie. De plus, elle a réduit la libération de cellule T (CD4 et CD8), et l’expression des molécules pro-inflammatoires (23).
En conclusion, bien qu’il n’existe pas de remède aux maladies neurodégénératives, il est possible de ralentir l’avancer de ces maladies, de réduire les symptômes et d’améliorer la qualité de vie des patients. Bien que les cannabinoïdes et le CBD ne soient pas des molécules miracles, différentes études prouvent que leurs actions anti-inflammatoires, antioxydantes, immunomodulantes et neuroprotectrices peuvent jouer un rôle non négligeable dans le ralentissement de la progression de ces maladies, le soulagement des symptômes et l’amélioration de la qualité de vie. D’autres études doivent encore être menées pour mieux comprendre ces maladies et les modes d’action des cannabinoïdes. En attendant le CBD peut néanmoins être utilisé sous avis médical uniquement, en plus des traitements prescrit, pour améliorer la vie quotidienne dans sa lutte contre la maladie.
Dr Lechat Marc-Marie
Docteur en Biologie Moléculaire et Physiologie Cellulaire du Végétal
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